« Abondance et liberté » : rencontre avec le philosophe Pierre Charbonnier

Comment aborder, en tant que journalistes, les enjeux politiques de la crise climatique ? Lundi 6 janvier, les étudiant·e·s du MJMN recevaient le philosophe Pierre Charbonnier qui, dans Abondance et liberté, explore l’histoire des liens entre pensée politique et monde matériel.

Une histoire environnementale des idées politiques. C’est le sous-titre d’Abondance et liberté (La Découverte, 464 p., 24€), le nouveau livre de Pierre Charbonnier, philosophe chargé de recherche au CNRS, qui paraît en ce début d’année. Il ne s’agit donc pas d’y faire une histoire de la pensée écologiste récente, mais au contraire de retrouver, dans la genèse des idées politiques occidentales depuis le 17e siècle, tout ce qui lie les conceptions de la société avec les conditions matérielles dans lesquelles vivent ces sociétés.

Il faut donc allier les sciences sociales et les questions environnementales. C’est la base de travail que s’est fixé Pierre Charbonnier. Dans sa thèse, publiée sous le titre La Fin d’un grand partage (CNRS Éditions, 2015), il reliait les travaux d’Émile Durkheim, de Claude Lévi-Strauss et de Philippe Descola sur les théories anthropologiques et les problèmes concernant la nature qu’elles contiennent, plaidant pour l’abandon de l’opposition — liée à la modernité occidentale — entre nature et société. Ce travail, qui avait également donné lieu à un livre d’entretiens avec Philippe Descola, La Composition des mondes (Flammarion, 2014), se poursuit aujourd’hui sur le terrain de la philosophie politique. Où il est question d’agriculture, puis d’essor de l’industrie, d’extraction de ressources fossiles, et bien entendu, de la crise climatique qui en résulte.

Comment les nouvelles conditions matérielles de fonctionnement du système terre obligent-elles à repenser la politique, et notamment les concepts de liberté et d’autonomie, qui sont au cœur de la pensée politique et économique moderne mais sont intimement liés à l’abondance des énergies fossibles et au développement économique qu’elles permettent ? Comment préserver la liberté quand l’abondance n’est plus possible ? Comment envisager l’anthropocène dans le cadre de sociétés démocratiques, sans sombrer dans le repli nationaliste et totalitaire ou dans la crainte de l’effondrement ? Pour les journalistes, la question est d’importance : diffuser le consensus scientifique sur le changement climatique est une chose, éclairer les débats de société sur les choix profonds à faire en est une autre, que le travail de Pierre Charbonnier vient alimenter.

Lundi 6 janvier, Pierre Charbonnier est donc venu débattre, partager, échanger avec les étudiant·e·s du Master Journalisme et médias numériques de Metz sur ces liens entre lien social et environnement. Mais plus que cela encore, Pierre Charbonnier souhaite livrer une version plus condensée, plus synthétique de son travail. « Le but serait de rendre tous mes travaux plus accessibles, qu’ils soient à destinations de politiques ou de journalistes » confie-t-il, curieux d’observer comment circulent ses recherches à travers la sphère publique. Sans prétention, il cite l’attitude et les efforts d’un autre chercheur ayant inspiré le monde politique et économique : l’économiste Thomas Piketty, auteur notamment du Capital au 21e siècle. Si les travaux du chercheur en philosophie ne s’arrêtent pas aujourd’hui, les futures conséquences de son dernier ouvrage ne sont désormais plus de son ressort, comme il l’a indiqué sur son compte Twitter.